S'il est interdit de déshériter ses enfants, il est possible de favoriser l'un de ses héritiers au moment de la succession, dans certaines limites.
Puisqu'un héritage est un évènement où les émotions s'entremêlent, il est susceptible d'être source de conflits au sein d'une famille, notamment entre les héritiers. Lorsqu'ils découvrent les choix successoraux de leur(s) défunt(s) parent(s), les enfants peuvent tomber des nues. Par exemple s'ils s'aperçoivent qu'ils ont été avantagés ou désavantagés dans la succession. "Il arrive régulièrement que des parents souhaitent avantager un enfant plutôt qu'un autre, parce qu'ils ont eu un gros désaccord avec ce dernier et qu'ils se sont perdus de vue au fil des années ou simplement parce qu'ils veulent rééquilibrer une situation qu'ils ne jugent pas normale", raconte Jean-Michel Boisset, notaire associé en Normandie. En France, il est toutefois impossible de déshériter entièrement un enfant, selon le principe de "réserve héréditaire", stipulé dans les articles 912 à 917 du Code civil. Cette dernière désigne la part irréductible de la succession qui revient de droit aux héritiers réservataires, en l'occurrence les enfants ou, à défaut, le conjoint survivant.
La première option, lorsqu'on souhaite avantager un enfant au détriment d'un autre, "est de lui léguer, en plus de sa réserve héréditaire qui lui revient de droit, tout ou partie du reste de son héritage, c'est-à-dire la quotité disponible", explique Jean-Michel Boisset. Celle-ci est a minima égale à un quart du patrimoine et évolue en fonction du nombre d'enfants qui héritent : elle est par exemple d'un tiers avec deux enfants. L'avantage de cette option, c'est qu'elle est difficilement contestable, chaque héritier recevant sa part minimale prévue par la loi. Avec l'accord des autres enfants, les parents peuvent également prévoir d'aller au-delà de la quotité disponible, grâce au mécanisme de "renonciation anticipée à l'action en réduction". Ce dispositif permet notamment d'avantager un enfant fragile, par exemple souffrant d'un handicap l'empêchant de subvenir à ses besoins. Dans ce cas, les héritiers acceptent de renoncer à tout ou partie de leur réserve au bénéfice de leur frère ou sœur et s'engagent à ne pas agir à l'encontre du cohéritier dont la part empiète sur la leur.
L'autre option, plus fréquente, pour avantager un enfant est de se tourner vers l'assurance-vie. Cette dernière permet aux souscripteurs d'avoir davantage de marge de manœuvre lorsqu'ils organisent la transmission de leur patrimoine. Et pour cause : "les sommes inscrites dans les contrats d'assurance-vie échappent à la réserve héréditaire et n'entrent donc pas dans le calcul de la succession", précise le notaire. Les montants doivent toutefois être "raisonnables" par rapport aux revenus du souscripteur. Sans quoi, ils pourraient être requalifiés en donation, donc intégrés à l'actif de la succession. De manière plus générale, réaliser une donation, de son vivant, à l'enfant "préféré" est une alternative risquée si elle n'a pas expressément été qualifiée "hors part successorale". "Les valeurs des biens qui ont été transmis aux enfants entrent dans le calcul de la réserve héréditaire. Aussi, au moment de la succession, l'enfant désavantagé peut estimer qu'il y a eu une atteinte à sa réserve et entamer une action en restitution", prévient le notaire. De la même manière, si un parent a vendu à l'un de ses enfants un bien en dessous de la valeur réelle du marché, l'enfant lésé peut dénoncer une donation déguisée.